Projet sans nom

Chapitre I

Le vide est une des choses les plus encombrantes qui puisse exister. Le vide appelle le vide et c’est par cette perverse équation que s’expliquait ma vie. Pourtant, j’ingérais toutes sortes de choses pour essayer de le combler. Mais comme un trou noir insatiable, que je boive de la réussite ou de l’alcool, le vide restait le même.
La douleur morale n’en était que plus vivace.
La plaie ouverte provoque une douleur qui fluctue selon la situation. A chaque frottement, elle s’accentue, à chaque bandage propre appliqué, elle s’atténue. Même si elle reste, la victime sait qu’elle peut diminuer.
Le néant est une problématique beaucoup plus sadique. Car, que vous enleviez ou que vous rajoutiez, la douleur reste insensiblement la même… Les choses matérielles semblent glisser sur elle. Pire, elles ne la touchent pas.
Comment alors le battre ? Comment abattre le glaive sur la peste ?
Sans vraiment m’en rendre compte, ce trou noir m’engloutissait tout entière. Je roulais sur Merchant Road depuis maintenant une heure et rien ne venait.
Que cherchais-je à trouver ? Je me demandais encore et n’avais aucune idée du pourquoi. D’ailleurs, que faisais-je sur cette route ? Est-ce que ça faisait une heure que je conduisais ? Plus ? Moins ? A présent, Je ne savais plus.
Ma soirée, je ne m’en souviens pas.

Rouler ne me permettait pas de penser, ça m’empêchait de le faire. Je n’avais plus de volonté propre. Sans que je le veuille, mon cerveau forçait mes protections et essayait de me faire réfléchir. Chose que je m’empressai de combattre avec une gorgée de Whisky.
Je grimaçais. En effet, le vieux whisky à moitié prix d’un supermarché nocturne n’était pas vraiment le meilleur. Bue au goulot, au milieu d’une route de campagne impraticable lui donnait un goût moins dégueulasse.
Ce goût, était-il pire que le goût que j’avais en travers de la gorge depuis plusieurs semaines ? Je n’eu pas le temps d’y réfléchir que je remarquai tardivement la cime d’un arbre se rapprochant dangereusement de ma figure. Le choc était inévitable entre la voiture et l’arbre, et le volant et ma tête. C’est sur cette pensée de mise en abyme que je finissais mon périple pathétique.

Chapitre II

De mon sommeil lourd et pâteux s’éleva l’aboiement énergique de Nolia. Je me redressais et la découvrais folle, grattant la porte, tapant la poignée. Cette vielle chienne devenait vraiment sénile. Pourtant, en regardant par la vitre, je vis une lumière. Des phares de voitures. Quelqu’un s’était arrêté juste devant chez moi.
D’une main, je pris le fusil caché entre ma commode et mon lit et me leva. J’enfilais un pantalon au hasard et un pull. Rare étaient ceux qui s’arrêtaient sur cette route. A part moi et Nolia, il n’y avait personne. Qui voudrait venir voir un vieil homme comme moi ? Pourquoi ?
Alors que je me posais ces questions, j’étais déjà dehors, cramponné à mon fusil. J’avais veillé à ce que le chien reste à l’intérieur pour ne pas alerter les intrus. Arriver à la hauteur des arbres de l’allée principale, je me rendis compte que la voiture n’était pas vraiment arrêtée paisiblement sur le bord de la route, mais encastrée dans un arbre.
Si les voitures étaient très rares dans le coin, les accidents encore plus… Je m’approchais prudemment. Le conducteur avait la tête en arrière, en sang. Mauvais jour pour ce pauvre voyageur qui venait de débarquer au milieu de nulle part. A cette heure-ci, il faudrait rouler plus de 4 heures pour trouver un dispensaire ouvert. Il fallait que je me fasse une raison : Je devais porter secours à cet étranger.

Je m’approchais de la portière et tentais de l’ouvrir. Mais le choc avait déformé la voiture et la portière s’était courbée. Je retournais chez moi et dénichais une barre de renfort. Alors que je revenais près de la voiture, Nolia grattait la portière comme une possédée en gémissant. Je l’écartais, et planta fermement la barre dans l’ouverture de la portière en priant pour que je ne blesse pas encore plus le conducteur. Finalement, la portière céda rapidement et le conducteur me tomba dans les bras, inconscient…

Ou plutôt… Inconsciente. C’était une jeune fille, elle ne devait pas avoir plus de 20ans. Cheveux décoiffés, châtains tirant sur le roux, jeans et t-shirt bleu…

Qu’est que j’allais devoir faire de ça ?

Alors que je me demandais ce qu’il fallait faire, comment… Nolia avait entreprit de lécher la main de la jeune fille en me regardant avec insistance.

« OK ! Ca va ! Mais demain, dehors ! »