Le poids des mots, le choc des générations

Un peu le blues, moi.

Je suis chez mes parents, et comme d’habitude, le moral a fait du saut à l’élastique au moment où j’ai franchi le seuil. «Quand j’vais chez mes parents, c’est comme si j’me retrouvais dans un service après-vente.» Je vis à 250 km de mes parents. Je les vois une fois par mois. Un week-end. Mais non, la distance n’adoucit pas les mœurs. Le prétexte de la distance est un rempart, je n’ai jamais été bien à l’aise en famille.
Je suis très amer vis à vis de mes parents, et chaque fois que je rentre chez eux, je me surprends à parler comme si j’étais blasé, désabusé. Comme s’il n’avait plus rien à attendre.
Aujourd’hui encore, on m’a fait remarquer qu’il ne servait à rien de discuter avec moi. Parce que je me braque vite, trop vite, je suis intransigeant, je manque de tact. On récolte ce qu’on a semé. Si j’agis ainsi, c’est par réflexe, par protection.
J’aimerais le leur dire. Mais dès que je parle sans filtre « politiquement correct », ils me rabrouent. Depuis mon départ de la toile d’araignée familiale, la pression s’est reportée sur ma sœur, désormais seule avec eux. Ca a l’air de passablement l’emmerder. L’impression qui domine, c’est qu’il est trop tard, que je ne les changerais pas, que je n’ai qu’à me résigner, à accepter ces trucs chez eux qui me rendent dingues.
Comme ma mère laissant entendre que son père va passer l’arme à gauche, en nous regardant avec insistance, comme si on pouvait changer cette situation, ma sœur et moi. Comme si c’était notre faute. Je lui en veux de tourner la chose ainsi. Les vieux crèvent. C’est dans l’ordre des choses. Je le dis crûment, mais ça me fait de la peine, cette perspective… Mais je ne peux changer le cours du temps et des choses, et je me fais à l’idée d’attendre de voir mes proches mourir, avant de mourir moi même. Que faire d’autre ? S’agiter en tout sens n’y changera rien. C’est terrible d’avoir conscience de ça.
Et mon père, fidèle à lui-même. Un épouvantail, un spectre, un motif sur la tapisserie. Absent.
C’est terrible, cette impression de perdre quelqu’un qu’on a encore physiquement en face de soi. Expérience qui me renvoie au décès de mon grand-père paternel, incapable de reconnaître son petit-fils. Ca fait mal, la conscience d’être si peu de choses.

Grand pater est parti
Bouffer des pissenlits.

Demain, je prendrai le train, je retournerai faire semblant de mener une vie, ailleurs. En attendant, sans savoir si j’ai envie que tout cela prenne fin vite ou non.

Je ne sais pas vraiment ce que j’attends de ce message que je poste, et des gens qui le liront.
Je sais ce que je ne veux pas : qu’on me plaigne. C’est le pain quotidien de tout le monde ici, l’incompréhension, l’absence de communication (constructive, j’entends), le temps qui passe, les proches qui clamsent. Le fait de l’avoir formulé m’aide un peu, je suppose. Je me sens un peu désaxé, malgré tout. Peut-être que j’attends un coup de pied au cul. Mais je me demande vraiment ce que je pourrais changer, si ce n’est pas eux, si ce n’est pas moi… vu que je ne contrôle pas franchement mes émotions en leur présence. Je tiens juste à préciser qu’au niveau communication, j’ai essayé indirectement de traduire le malaise, en écrivant un torchon… Où j’ai fait mourir la figure du père, sans doute par vengeance, ou par pure tradition œdipienne (allez savoir). Ils l’ont lu, mais je n’ai eu aucun retour. J’ai honte de ce qu’ils pourraient penser de moi. Nos deux mondes sont hermétiques.

Bref, rien de dramatique. Juste le quotidien.

Je ne sais pas quoi te dire. A part que je te comprend.

Sinon, est-ce qu'il serait possible de ne pas aller les voir ou d'y aller encore moins souvent? Puisque ça te rend mal et que ça ne semble pas t'apporter grand chose.

Je sais que c'est pas facile à faire. Possible même que ça ne change rien. Je sais pas.

Ziel a écrit:

Sinon, est-ce qu'il serait possible de ne pas aller les voir ou d'y aller encore moins souvent? Puisque ça te rend mal et que ça ne semble pas t'apporter grand chose.

+1

Mais j'voudrais ajouté que ça risque d'être dur de te sortir de ce "malheur familial" parce qu'en te lisant, t'avais...comment dire... t'a l'air "heureux dans ton malheur" ... Je me trompe?

Si je reviens chez mes parents, c'est surtout pour voir ma soeur, en fait. Je suis une cellule de soutien psychologique à moi seul.

Heureux ? Non, vraiment pas. J'ai juste conscience que mes parents ne changeront pas, et qu'on est pas sur la même longueur d'ondes. Alors j'essaie de m'accomoder de cette situation, puisqu'il n'y a rien d'autre à faire. De là à dire que je l'apprécie, ya quand même un fossé.
Et puis entre eux et moi, je mène ma guerre d'indépendance, d'émancipation, pour ne pas avoir de comptes à leur rendre... Ou le moins possible. J'ai déménagé, j'ai enchainé les jobs à la con pour m'autogérer, je ne veux pas avoir à compter sur eux. Si j'étais si heureux, je ne pense pas que je ferais tout pour m'en détacher comme ça, vraiment.
Je ne le prends absolument pas mal, après tout mon message était peut-être mal rédigé. Je suis juste curieux de savoir ce qui t'a fait penser ça.

Merci de vos réponses.

Il est pas possible de faire venir ta soeur chez toi?

A 17 ans, elle a pas de revenus pour se payer le train. Et si elle vient chez moi en voiture, ça suppose que mes parents l'emmènent -_-"

C'est ta manière de décrire tout ça, je sais pas pourquoi ça m'a donné une impression de bonheur dans le malheur. Mais j'me trompe surement hein^^'.

Tu me fait penser à mon grand frère quand il habitait seul. La vie juste avec mes parents étaient devenus un enfer, alors du coup tout les week-ends mon frère venai chez moi.

Tes parents ne voudraient pas payé le train à ta petite soeur? Et comme excuse, ba voir son frère?

"Maman, ton fils veut pas te voir, mais aimerait que tu me payes le train"

Mouais.

J'aimerais mieux aider, plutot que d'avoir simplement laché un "mouais".

Mais même si tu dis que ce n'est que le quotidien... Le quotidien peut affecter quand même. Voir les choses changer (ou pire, qui ne changent pas)... Y'a jamais rien de banal la dedans.

C'est surtout ça qui me fait réagir :

Citation :

Mais je ne peux changer le cours du temps et des choses, et je me fais à l’idée d’attendre de voir mes proches mourir, avant de mourir moi même. Que faire d’autre ? S’agiter en tout sens n’y changera rien. C’est terrible d’avoir conscience de ça.

Ce qui est surtout terrible, et tu n'es pas le seul comme ça, c'est de voir les choses de l'exterieur. D'avoir du recul.
C'est bien pour pas mal de choses dans la vie, d'avoir du recul.

Bizarre que personne ne nous aie prévenus que ça pouvait aussi être désagréable et perturbant.

EDIT : finalement j'avais plus qu'un "mouais" à dire.