Tiens, BUMP...
Je m'allume une clope pour me donner une contenance. C'est la 5ème, mais peu importe. Je frissonne. Il a déjà 40 minutes de retard, et je sais, intuitivement, qu'Il ne viendra pas. Comme tous les « Il », tous les autres avant lui. Il n'a vu en moi que le coup d'une nuit.
Mais je crois que je lui en veux encore davantage. Parce qu'il n'a pas eu le cran de le dire. Ce n'était pas clair. Il m'a même fixé ce deuxième, ce second !, rendez vous, auquel il ne daigne pas pointer le bout de son nez.
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La place est vide.. Comment s'appelle t'elle déjà cette place ? J'ai l'esprit embrumé, les yeux embués…
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Devant l'écriteau « Privé, tenue correcte exigée » le videur me regarde avec pitié. Il doit en avoir vu passer des minettes comme moi. Debout à la même place. Dont l'eye-liner appliqué avec soin en un trait trop voyant s'affaisse sous quelques larmes discrètement essuyées, creusant au passage un sillon dans le fond de teint colori « Bronzée même en hiver ». Dont les souliers trop hauts finissent inévitablement de la même façon, au fond d'un sac à main. Dont les cigarettes se consument, entre deux coups d'œil sur l'écran d'un portable dernier cri. Ecran vide. Ni texto, ni appel… L'heure tourne, je rejoins le rang de toutes celles à qui l'on a posé un lapin devant la lourde porte de La Contre-escarpe.
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Et comme tant d'autres avant moi je tente de faire preuve de dignité, pieds nus, dans ma robe légère, trop décolletée, trop courte. Je fais demi tour.
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Il est trop tard, le métro ne passe plus. Je rentrais peut-être à pied. Mais je n'ai pas envie de rentrer… Mes vingt-deux mètres carrés sont trop vides, je m'y perds. J'ai beau en avoir recouvert les murs d'affiches de parfum, grappillées à la Plaine de Baud lorsque les affiches des arrêts de bus sont changées et offertes à qui veut, avoir choisi avec soin un couvre lit assorti aux couleurs de mes murs, et de mes coussins, et laisser en permanence quelques bougies brûler, rien ne masque ma solitude. Je SUIS seule.
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Je bifurque dans une rue en travaux. M'engouffre à l'Hacienda, vide, comme toujours. Mojito, sur Mojito, huit euros le verre… Pauvre petite fille riche, suis je à ce point à plaindre ? Qu'est ce qui manque à ma vie, pour rendre sincère mon sourire ?
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Je vide mes verres assise sur les marches, une clope au bec. Mon Zippo est vide. Qu'à cela ne tienne, j'allume les nouvelles aux mégots de celles que je jette. Ma gorge me brûle, mes yeux me piquent. J'ai froid, et personne a appeler.
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Un groupe de jeunes passe. Joyeux, ils s'interpellent. Je règle la somme exorbitante que me demande le barman, trouve même la force de lui sourire.
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Il est une heure et quart. Je vais aller en boîte. Perdre ma solitude avec celle des autres. Noyer ma mélancolie dans la musique et l'alcool. Je sors un miroir, me remaquille légèrement… Avec un peu de chance, et de bonne volonté, je ne rentrerais pas seule dans mon lit…