10/09.
C’était il y a deux ans. J’ai pensé à toi, tu sais, en revenant du bus. En posant mes pieds sur le sol de cette planète qui tourne à présent sans toi. J’ai pensé à toi, car deux ans auparavant, à la même heure, j’ai rencontré Muriel, mon éducatrice, durant ma première 8ème heure de 3ème.
« - Qui est Célestine ?
- C’est moi.
-Tu peux venir avec moi s’il te plait ?
Je me suis levée.
- Et prends tes affaires, tu n’en auras plus besoin. »
Elle m’a conduit dans le couloir. « Ton grand-père va mourir, ta mère est venue te chercher… » Elle m’a amené dans le hall. Il pleuvait, ce jour là. Muriel m’a fait la bise. Elle m’a dit quelque chose, je ne me souviens plus.
Je suis sortie, sous cette pluie et ce vent de septembre. Il faisait froid. Ma mère m’a prise dans ces bras. Je me suis mise à pleurer. Et je me suis accroupie là, dans la cours. Larme brulante, pluie froide. Si je me souviens bien, j’ai laissé tomber mon classeur. Je ne sais pas. Je ne sais plus.
On a été cherché Robin, le petit fils, mon frère dans tu me parlais tant. « Robin, en toge, avec une harpe dans une foret ». Je me souviens qu’il sifflait en entrant dans la voiture. Que Maman et moi nous pleurions.
« Il lui reste quelques heures… » Tu devais mourir avant minuit. Tu aurais du mourir le 10/09, et non le onze. Mais les médecins ne connaissaient pas ta force. Moi si. Moi j’ai dis à ma mère « Il mourra demain, juste parce qu’on sera le 11/09, et que ça lui plaira de narguer une dernière fois le monde ».
A Bruxelles, on est aussi passé chercher Sylvain. J’écoutais Liberta, de Peps. Chanson qui à présent me fait penser à toi, toujours. Brise-cœur sur le quel s’écrase mes larmes.
Dans ta chambre, tes fils et filles étaient déjà là. Chantal, Olivier, Isabelle. Et bonne-maman. Les yeux rouges, assis autours de ton lit. « On ne sait pas s’il nous entend ». Mais bien sur, que tu nous entendais. Comme tu m’entends toujours aujourd’hui. Comme quand je sens ta présence qui arrive soudainement, bercer son unique petite-fille.
Tu respirais mal, très mal. Et on devait calculer tes apnées. Mais tu étais là, vivant. C’était ta troisième thrombose, la fatale. Il en fallait bien une.
Je me souviens d’une larme. Celle de Sylvain. Je me souviens de cette goute, qui s’est égarée dans sa barbe, lorsque qu’il t’a serré dans ses bras. Plus d’un an que je n’avais pas vu mon frère pleurer. Et je me souviens que cette larme solitaire à été une des images la plus douloureuse dans tout ça.
On est rentré mangé, tous les cinqs. La famille B, réunie. Dans un chagrin immense, mais réunie. Les coudes serrés face à ce que la « vie » nous réserve à tous. On était pas sencé retourné à ton chevet.
« Maman, je veux y retourner. »
« Maman, je laisse pas Titine seule. »
Alors on y est finalement tous retournés, à ton chevet. C’était je pense, la deuxième nuit blanche de ma vie.
A un moment, ils se sont tous endormis. Frère, tante, oncle, parents. Ils dormaient tous, certains dans la chambre libre d’en face, d’autre à mes côtés. Et moi, avec mon gsm, je calculais tes apnées. Je savais quand je devais appeler un medecin. Entre chaque apnées, je courais dans les couloirs. Je piquais des sprints. Autant pour évacuer, que pour rester éveillée, à tes cotés. Et en me rassaillant, je mangeais du sucre, puis j’écrivais en te tennant la main, prète à tout abandonner à l’apnée suivante. Mais j’étais fière. Fière de faire ça. Fière de me battre pour toi.
A 6h, ma mère m’a forcé à aller me coucher. 4h plus tard, on rentrait chez nous. Et je te voyais vivant pour la toute dernière fois, Bon Papa. Pour la toute dernière fois.
Dans ma chambre, quand j’ai ouvert les yeux, mon réveil indiquait 12h23. Je suis descendue. J’avais envie de vinaigre, de salade au vinaigre. À 12h33, ma mère m’a appelé.
« - Célestine, Bon Papa est mort.
-A quelle heure ? »
L’importance des détails. De se raccrocher à quelque chose, face à la mort de quelqu’un. Quelque chose de concret.
« - 12h24. »
11/09/07, 12h24.
Je n’ai pas pleuré immédiatement. Ma mère m’a dit ce que je pouvais manger, l’heure à la quelle elle passait me prendre pour qu’on aille le voir, des détails pratiques, sans importance aucune. J’ai raccroché. J’ai réveillé Robin pour le prévenir. Et je suis descendue chialer dans la salle à manger, près du piano. Chialer la perte d’un être que personne ne remplacera jamais. Chialer la perte de celui qui, à tous jamais, représenterait pour moi l’Homme.
On y est retourné l’après-midi. Tu étais tout froid. Tout blanc. Je ne voulais pas te toucher. Mais j’ai finis par le faire. J’aurais regretté. J’ai repris la peluche que je t’avais donner la veille. La dame du home nous a parlé. Et, tandis que les autres descendait par l’ascenseur, j’ai pris l’escalier avec Sylvain. On a revu la rampe qu’on avait cassé une fois. Et on a rit. On a rit, en ton souvenir. Par amour pour toi. On a rit, parce qu’il n’y avait rien d’autre à faire.
On a rit, parce que tu aimais nous faire rire.
Je t’aime toujours.