Salut salut..,
Voilà, j'ai créé ce texte pour mon cours de création tout en cachant un maximum le fait que j'y ai mis des bouts de moi.. "Oui oui c'est de la fiction".. J'ai juste posé quelques mots et j'avoue ne pas savoir trop quoi en faire. Donc je me dis qu'il serait mieux ici et lu à votre envie:
« Elle s’est retrouvée à courir dehors et le froid lui glaçait les joues. Elle est emmitouflée dans son écharpe rouge comme ses joues, et mouillée de larmes. Seuls ses deux yeux osent se montrer, leur bleu laisse se déverser toute l’eau des rivières. Et dans la nuit, comme ça, dans son manteau bleu marine, elle se camoufle parfaitement. Laissant aux seuls chats qui se promènent, le loisir de la voir dans cet état.
Un état où on est pris par quelque chose de terrible à l’intérieur de soi mais on ne peut rien faire. Et courir vaut mieux que s’arrêter. Il faudrait se cogner la tête contre le mur. Dans tous les cas, malgré le souffle court, malgré les larmes, malgré les jambes qui flanchent, on ne s’arrête pas. Il y a là quelque chose de terrible, on voudrait réellement sortir de soi, s’offrir un passage hors de nous pour ne pas s’y confronter et pourtant ce quelque chose c’est aussi nous. Alors, se joue en nous, un paradoxe terrible et nos pensées deviennent le véritable piano d’anciennes phrases résonnant durement. Des phrases accentuées de méchanceté, des phrases qui par paragraphes s’attardent sur nos maladresses et nos fautes mal imprimées, des phrases qui ponctuent nos quotidiens sans qu’on ne veuille les entendre. Et pourtant, ces phrases on les a entendues et elles sont restées accrochées dans un coin. Elles sont précipitées sur nous et nous étouffent… Alors, le pire c’est que dans ces moments, on les croit aveuglément…
Evy était dans un moment pareil lorsqu’elle avait rencontré Mirko. Un chat gris au détour d’une impasse de Paris, qui l’avait suivie jusque chez elle. Il était tout minuscule presque ridicule que c’en était réconfortant. Courir. Respirer. Respirer. Courir. Elle l’avait caché et monté dans sa chambre. Elle évitait de rentrer chez elle comme on évite de marcher sur les escargots. Elle le nourrissait et le gardait en secret. Il dormait contre elle et elle l’avait nommé Mirko parce que ça rime avec dodo et rigolo, encore des mots d’enfants…
Mais le bonheur avait duré une semaine. Respirer. Reprendre son calme. Reprendre son calme. Respirer. Elle l’avait retrouvé écrasé sur le parquet de sa chambre, un vendredi. Les vendredis c’est censé être joyeux pourtant. Il avait été écrasé comme ses jouets l’étaient quand elle était petite. Par un pied mal placé, un poids beaucoup trop lourd mais aussi par méchanceté.
On lui disait alors que ce n’était pas voulu, pas fait exprès mais qu’il fallait le prendre comme une leçon de morale, après tout, ça trainait. Tout pouvait se retrouver à être de sa faute. Si elle rentrait mouillée, la pluie n’y était pour rien. Si on était énervé de sa journée, on pouvait bien passer ses nerfs sur elle, après tout elle y était pour quelque chose. Si quelque chose se brisait, il n’y avait aucune raison que ça ne soit pas elle. Si elle faisait quelque chose de bien, ça ne l’était jamais assez. Si son frère faisait quelque chose, il faisait mille fois mieux qu’elle. S’il fallait accuser quelqu’un pour les dépenses du mois, on l’accusait elle parce qu’après tout, les livres ça ne sert à rien, ça prend de la place et puis ce n’est pas intéressant.
Ses différences étaient exécrées car elles n’étaient pas les leurs. Une idée non conforme aux leurs et elle devait s’excuser de l’avoir prononcée et même de l’avoir pensée. Son père était un dictateur de la pensée. Il fallait se taire ou penser comme lui. Sa mère était un chien devenu méchant par dépression. Il fallait se taire, l’écouter, la réconforter mais surtout ne pas la faire pleurer. Toujours écouter ses problèmes, devenir maman à sa place. Son frère était un fervent soldat du dictateur, toujours prêt à rabaisser et dénoncer les infimes manquements aux lois. Et Mirko était mort écrasé sur le plancher. C’était la preuve même d’un passage de bottes de dictature paternelle. Ce jour-là et comme de nombreuses fois, elle avait dû se plier aux règles. Après, Mirko écrasé, il y avait eu les cris et les reproches. Le jugement et la culpabilité avait suivi avec les pleurs. Et le « Pardon » avait été prononcé à mi-voix, sans le vouloir, sans y croire et sans comprendre la faute… juste pour faire cesser le feu, une sorte d’armistice temporaire. Ce jour-là, Mirko écrasé sur le plancher ça avait était trop. Elle avait compris que ce n’était pas elle qui tanguait dans ce régime familial, que ce qui se passait elle devait le taire pour plus de survie. Mais, elle a aussi compris qu’elle avait le droit d’être différente, alors elle a fui. Elle avait prémédité son crime, avait passé des nuits à faire des recherches et à postuler sans y croire à l’université de Saint-Malo et tout ça sous le manteau. Plus tard, lorsqu’elle avait reçu la lettre, elle avait déguisé sa fuite et à utiliser les mots pour les convaincre que c’était la seule option, que ça leur profiterait plus tard et qu’elle reviendrait.
Mirko avait été son premier acte de liberté. Fuir son deuxième. Et aujourd’hui, elle court en pleurant dans la rue de Saint-Malo sans se soucier des gens qui pourraient la regarder à travers les rideaux. Elle court parce qu’elle est prise dans un de ces moments torrentiel où on ferait tout pour arrêter ses pensées et sortir de sa tête. Mais le regard des gens ne l’atteint pas pendant ce temps ; elle signe son énième acte de liberté. Et elle ne sait pas qu’en faisant cela, elle s’engage à grandir. »